Le post-impressionnisme est un ensemble de courants artistiques de la fin du XIXe siècle, qui durera près de 12 ans, de 1885 à 1907 environ.
Comme son nom l'indique, il vient après l'impressionnisme.
Le post-impressionnisme regroupe le pointillisme (ou néo-impressionnisme), le synthétisme, le symbolisme et les nabis.
Paul Cézanne (v. 1861)
Autoportrait - 1875
Cézanne a d'abord été aux côtés de Monet, Renoir ou Pissarro, un des premiers impressionnistes.
Toutefois son œuvre dépasse largement le cadre de ce seul mouvement : dès la fin des années septante, saisi par le doute, il renonce à exposer, se retire à Aix-en-Provence et se lance dans une "quête personnelle" par laquelle sans renoncer à la démarche impressionniste (la transcription de la sensation visuelle), il a développé des préoccupations constructives visant à structurer et stabiliser l'impressionnisme.
Sa première rencontre au collège d'Aix-en Provence est E. Zola avec lequel il se lie d'amitié.
(il écrivit "l'œuvre ratée" - Cézanne s'y reconnaît)
Il entame des études de droit puis monte à Paris en 1861 où il fréquente les milieux artistiques.
Refusé à l'examen d'entrée de l'Académie des Beaux-Arts, il étudie essentiellement à l'Académie Suisse et copie les maîtres du passé au Louvre et au Luxembourg.
De 1862 à 1872
Assez rapidement Paul Cézanne entre en contact avec Pissarro à l'Académie Suisse que fréquente également Bazille qui les met en contact avec le groupe de l'atelier de Gleyre.
Tous s'enthousiasment pour le Déjeuner sur l'herbe de Manet lors du scandale du Salon des refusés. La première période de Cézanne sera fortement marquée par le « réalisme » de Manet et de Courbet. Son style, assez rustique et sombre, est encore fort éloigné de l'Impressionnisme.
Sa facture rapide, « en matière », avec des empâtements assez lourds, réalisés au couteau résulte certes de ses contacts avec le groupe Monet - Renoir - Sisley - Bazille mais surtout de son admiration pour Delacroix et Courbet.
C'est pour cette raison qu'on a parfois parlé de période « romantico-réaliste » pour définir le style de cette époque (dont il disait lui-même qu'il s'agissait d'une "manière bien couillarde"!
Pendant la guerre de 1870, il fit un long séjour à l'Estaque, près de Marseille, accompagné de Hortense Fiquet qui partage sa vie sans qu'il ait osé mettre son père au courant. Elle lui donnera un fils en 1872.
Allée des Marronniers au ‘Jas de Bouffan’– 1864
L'homme au bonnet de coton – 1865
(Son oncle) à la manière de Degas
Louis-Auguste Cézanne – 1866
(Son père) Comme chez Manet - image dans l'image.
L'enlèvement – 1867
Il fréquentait le Louvre, d'où son inspiration des tableaux anciens
Nature morte – 1869
La tranchée – 1870
(Peint sur le motif, poussé par les autres impressionnistes du groupe)
Le déjeuner sur l'herbe – 1871
De 1872-1877
Après la commune, Cézanne remonte à Paris. Cependant, devenu père de famille, il décide de s'installer à la campagne et rejoint Pissarro à Pontoise, près de Auvers-sur-Oise où ils se lient d'amitié avec le docteur Gachet qui vient d'y acheter une maison.
L'influence de Pissarro sur Cézanne sera décisive, à la fin de sa vie, il signera un tableau en ajoutant la mention « élève de Pissarro ». A son contact, la peinture de Cézanne évolue vers l'Impressionnisme. Sa facture se fait moins lourde, plus vibrante. II abandonne progressivement le modelé en clair-obscur et lui substitue l'étude des contrastes de couleurs. II participe à la première exposition du groupe impressionniste chez Nadar en 1874, ainsi qu'aux deux suivantes en 1876 et 1877.
Parallèlement aux paysages peints sur le motif, Cézanne a continué à peindre des « sujets d'imagination » tout en les traitant à l'aide de sa nouvelle manière (impressionniste.)
II peint également de nombreux autoportraits et des natures mortes.
La maison du père Lacroix – 1873
La maison du pendu - 1873
Parties en réserve = parties non peintes
A partir des années nonante, le "non finito" (zones non recouvertes de peinture, laissant voir la toile préparée) apparaît dans sa peinture.
L'après-midi à Naples – 1876
L'éternel féminin (43x53cm) – 1877
Au-delà de l'impressionnisme
A partir de la fin des années septante, Cézanne, que le doute conduit à renoncer à exposer, cherche à réagir contre ce qu'il considère être un le point faible de l'Impressionnisme.
Mais contrairement à Seurat, Van Gogh ou Gauguin qui ne conserveront que quelques aspects de l'Impressionnisme (le rejet des moyens d'expression traditionnels, l'utilisation de couleurs saturées...) pour faire une peinture toute différente, Cézanne se comporte en « rénovateur ». II s'attaque au problèmes de structure du style en s'efforçant de le transformer de l'intérieur, sans renoncer à ce qui est à la base de la technique impressionniste : la juxtaposition des impressions colorées observées sur le motif, Cézanne s'engage dès lors dans une recherche personnelle dont les enjeux seront de renouer avec une certaine densité monumentale de la forme, « Faire de l'Impressionnisme quelque chose de solide et de durable comme l'art des musées »... tout en maintenant la méthode impressionniste fondée sur l'observation de la nature, ce que résume une autre phrase célèbre par laquelle il déclarait vouloir faire « ...du Poussin sur nature ».
Atteindre une certaine monumentalité construite dont le classicisme de Poussin constitue la référence, mais « sur nature », c'est-à-dire en travaillant à partir de l'observation et non pas à partir de constructions théoriques et abstraites.
La Seine à Bercy – 1878
(tableau le plus impressionniste de Cézanne un peu comme Monet)
Les peupliers – 1879
Le style constructif
Cézanne se lance alors dans une longue série d'expérimentations en prenant appui sur une iconographie très banale (paysages, portraits, natures mortes...) et répétitive (les pommes, la montagne Sainte-Victoire, les Baigneuses...) pour mettre au point une technique dont l'élément principal est la couleur comme moyen de construction.
La forme est appréhendée à partir de ses aspects saillants du point de vue visuel. C'est-à-dire les parties les plus avancées (le centre de la pomme par exemple et non le contour.)
A partir de ces points saillants, il instaure une hiérarchisation des plans ordonnée par les rapports de couleur, qu'il appelle la "modulation" avec un effet très caractéristique de parallélisme oblique de la touche. Il utilise des tons chauds pour les avant-plans et des tons plus froids pour les plans en retrait. Quand un plan atteint sa limite, il se condense et forme un élément de contour, une ligne, un trait qui ne se referme par forcément autour de la forme qu'il délimite.
Comme le volume, la ligne de Cézanne est une ligne observée. Là où il n'observe rien, il ne peint rien. Cette manière de faire est à l'origine de deux éléments parmi les plus caractéristiques de son style. Les « passages », le contour d'une pomme formé de lignes discontinues créant de la sorte une fluidité dans le passage d'un plan à l'autre.
A partir de années nonante, le « non finito » (zones non recouvertes de peinture, laissant voir la toile préparée) apparaît dans sa peinture.
Assiette et compotier - 1879
Le pigeonnier de Belle-Vue (54x80 cm) – 1885
La montagne Sainte-Victoire, près d'Aix-en-Provence, est le sujet de près de 80 œuvres.
Montagne Sainte-Victoire – 1882 à 1905
(ocres – verts – bleus) comme dans beaucoup de ses tableaux)
Musée d'Orsay
Musée de St Petersbourg
Collection Barnes - Musée Metropolitan New-York
Montagne Sainte Victoire vue de la carrière Bibemus - Museum of Art Baltimore
L'ESPACE CÉZANNIEN
L'espace « cézannien » n'est pas le « cube d'air » que suppose à priori la perspective classique. II prend appui sur l'observation des objets. Comme ci-ceux-ci commençaient par exister et généraient ensuite, péniblement de l'espace autour d'eux. En fait, chez Cézanne, non seulement la perspective n'est pas utilisée, mais elle est systématiquement neutralisée ou contrariée. Il s'arrange pour cacher les fuyantes et les raccourcis et, d'une manière générale, tous les éléments qui pourraient jouer un rôle dans la compréhension perspective du sujet : la ligne d'horizon rejetée vers le haut dans les paysages, coins de table, angles entre deux murs dans un décor, entre le bras et l'avant-bras entre la cuisse et la jambe dans une figure...
Pour ses natures mortes, il lui arrivait de mettre des pièces de monnaie sous les assiettes pour en modifier les aplombs. De plus, il pousse la technique impressionniste jusqu'à ses conséquences extrêmes en n'hésitant pas à transcrire dans ses tableaux des points de vue incohérents ou incompatibles qu'il avait effectivement observé, après avoir bougé par exemple. Cézanne considérait que l'observation était plus importante que la règle du point de vue unique qui fonde la perspective illusionniste. La conséquence de ce refus des moyens traditionnels de créer l'illusion de l'espace, est une sorte de sensation d'écrasement. La forme « cézannienne » ne se déploie pas aussi facilement que dans le système perspectif : la figure s'écrase à l'intérieur de son contour, le paysage s'aplatit comme un bas-relief.
Ce qu'il perd au niveau de l'illusionnisme Cézanne le récupère au niveau de la puissance formelle : la forme en se ramassant sur elle-même, gagne en présence, en compacité, en densité.. Tout ce qui semblait avoir été perdu par Impressionnisme.
Joueurs de cartes – 1892
La Maturité
En 1886, Cézanne se marie avec Hortense Fiquet. Quelques mois plus tard, son père meurt ce qui lui donne une indépendance financière complète (sans qu'il éprouve le besoin de changer grand-chose à ses habitudes de vie, assez simples.)
Toujours la même année, Émile Zola publie son roman l'œuvre qui décrit la déchéance progressive d'un peintre frappé d'impuissance artistique, Claude Lantier, dans lequel Cézanne aura, à tort ou à raison, le chagrin de se reconnaître. C'est enfin au cours de cette année 1886 que commence à poindre à Paris un certain « bouche à oreille » le concernant au sein de la nouvelle génération post-impressionniste.
En 1889, il fait une double entorse à sa résolution de ne plus exposer : il participe à la grande exposition Centennale (centenaire de la Révolution) et, peu après il accepte l'invitation que lui fait Octave Maus d'exposer à Bruxelles avec les « XX », en raison « du plaisir de se retrouver en si bonne compagnie
La dame en bleu – 1898
La dernière décennie
Au cours de cette période, Cézanne connaît enfin une certaine reconnaissance.
En 1895, il monte sa première exposition personnelle chez le marchand d'art Ambroise Vollard.
En 1900, Maurice Denis peint l'Hommage à Cézanne (aujourd'hui au Musée d'Orsay à Paris.)
En 1904, Émile Bernard publie dans la revue Occident une défense ardente de Cézanne à laquelle il ajoute sous forme de vingt aphorismes une série d'opinions que Cézanne lui aurait
confiés et qui seront discutés dans tous les ateliers du début du vingtième siècle (par exemple: « Tout dans la nature se modèle suivant la sphère, le cône et le cylindre » ou « Quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude ».
D'une manière générale, le style de ses dernières années évolue vers plus de légèreté, plus de vibration, plus de subjectivité. Au cours de cette période, il commence à pratiquer l'aquarelle. II peint une seconde série de Montagne Sainte-Victoire, vue des Lauves ainsi que trois grandes peintures reprenant le thème des baigneuses : les Grandes baigneuses.
L'influence de Cézanne
La biographie de Cézanne, quoique pittoresque, est nettement moins aventureuse que celle d'un Van Gogh ou d'un Gauguin; le personnage n'en présente pas moins une « dimension héroïque » de par l'acharnement et la persévérance avec laquelle il dû attendre une reconnaissance particulièrement tardive. On ne peut qu'être frappé par la contradiction presque dramatique entre l'absolue incompréhension dont il est l'objet pendant pratiquement toute sa carrière, pourtant très longue (incompréhension du public, de la critique, du jury du Salon où il est systématiquement refusé, mais aussi, le plus souvent, de la part des autres peintres et même de son ami Émile Zola, et l'importance des développements auxquels sa peinture a donné lieu au vingtième siècle puisque, pratiquement tous les mouvements ultérieurs se réclameront de lui : symbolisme, fauvisme, cubisme et même l’abstraction géométrique !
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